III. Les groupes

Funambules des esprits, ils sont les personnages souriant, vertueux, ingénieux ; ils sont les héros de certains contes vibrants dans les croyances humaines, au village ils possèdent les dons de l’émotion, délicatesse de l’âme, les songes flamboient quand ils se dévoilent ces figures d’autorité, la magie caresse, berce l’héritier, sérénité se bousculant dans leurs veines calmes. Ils sont noués dans les étoffes de la manipulation des sujets, des vivants, des saints, des rois, alors le merveilleux puise son chemin, offre le talent mielleux d’une psyché intelligente : le rossignol de l’empereur harmonise de sa voix le bonheur pénétrant dans tous les cœurs, le vaillant petit tailleur écoute les pensées de ses comparses… Ils sont les fabuleux marionnettistes d’un théâtre de passion centré sur l’homme et ses dérives.

Leur voix berce les têtes enchantées. Ils sont les lumineux d'un monde chaotique, les barques menant les esprits déviants vers l'impossible clarté. On les connait sous les appellations de princes et princesses, fées et magiciens de rêve. D'eux, on retient leur innocence, leur volonté de sauver les peuples et de ne laisser aucun éclopé sur le chemin. Ils tendent leur main, aident les plus démunis. Certains chuchotent que ces êtres là sont trop naïfs pour saisir le danger. Ils donnent leur coeur, leur bonté, le Mal ne s'est pas infiltré dans leur chair. Des pouvoirs qu'on leur attribue, ils se révèlent féériques, porteur de bonheur, capables d'influencer l'esprit et de le guider. Ils sont les proies favorites des loups et autres monstres. Des âmes convoitées par chacun.

Brille la canopée d'êtres fabuleux, de branchages inconstants. Ils sont les étranges, les singuliers capable d'une magie de géant. Ils soulèvent le monde, font ployer le feu, déversent les tempêtes. La nature est leur maison, le gite de leurs pouvoirs. Beaucoup se tiennent en bordure de forêt, beaucoup s'immergent en dehors de la ville, viennent trouver refuge entre les lianes tendres des chênes centenaires. Leurs pouvoirs tiennent du contrôle des éléments, de l'union avec la nature. Quelques uns tirent leurs capacités du cosmos, délient leur langue pour d'inquiétantes prophéties moquées. On les dit capable de créer l'or, de façonner les plus belles pierres. Architectes du monde. Eux ne se vantent pas de leurs pouvoirs, ils sont les nobles. Leur voix porte entre les feuillages, prévient les promeneurs malheureux d'une déroute. Ils sont des gardiens.

Les ombres pour royaume, les cauchemars pour trône. Ils séjournent au monde crépusculaire, sortent griffes et crocs à l'opale charmante. Ils sont les histoires chuchotées aux enfants, ils sont les infernaux que l'on croise au détour d'un miroir. De ces habitants, il faut s'en méfier, ne pas y risquer un pacte. Ils achètent les âmes en peine, se font juges, avocats, grands tribuns de la plèbe. Mais leurs intérêts sont personnels. Leurs pouvoirs se forgent dans la noirceur, entre les lignes des esprits, ils sont les plus puissants, les monarques de cauchemars qu'ils enfantent, de pensées qu'ils emmêlent, de mélodies trompeuses. Ils exercent dans les hautes sphères du village, sont reconnus, souvent adorés. Quelques uns vivent à la lisière, eux les monstres, eux pour qui l'ignoble s'est révélé physiquement. Ils sont les porteurs de malédiction.